Biographie.

Ma vie, un work-in-progress.

Xavier_Ott
Ma vie, un work-in-progress ; elle était brouillon, rebelle à toute forme d’autorité. Je me suis souvent senti limité, progressivement le travail m’a incité à plus de discipline.

La liberté que j’ai alors trouvé m’a permis d’affiner mes sensations, la patience m’a donné la constance, la confiance, la tolérance, l’expression. Je me concentre sur l’essentiel, je peins au quotidien, je suis complètement impliqué.

Je vis dans un petit village du massif central où, je n’ai qu’à travailler un geste que je peaufine.
Avec beaucoup de douceur, ma maman m’a appris à sourire des petites choses, à me satisfaire de la quiétude et à voir le beau en tout. Elle faisait tout de son mieux. Elle aimait qu’on lui raconte nos rêves, elle disait que c’était important de les cultiver, que ça nous éveille à des univers prolifiques, que rêver permet de se projeter. Toutefois, qu’il est primordial d’oser vivre pleinement sa vie et d’aller au delà de ses rêves. Qu’il est essentiel de cultiver ses convictions et qu’un jour on est toujours récompensé pour son audace. Qu’il est juste fondamental d’être juste.

Avec beaucoup de patience, elle m’a partagé sa passion pour l’art. Nous allions souvent visiter des musées et voir des expositions. Elle me montrait les nuances de couleurs que mon œil ne voit pas bien. En me dévoilant l’importance de certains détails, elle m’a ouvert les yeux et m’a fait découvrir différentes formes de perspectives. En me présentant les choses sous différents points de vue, elle s’intéressait surtout à mon expression.
Je me souviens de différents instants particuliers, comme la fois où je me suis dit, en caressant les courbes sensuelles d’un marbre, que jamais je ne saurai faire de telles choses. Bien des années après, l’installation Les Guerriers, de Ousmane Sow, m’a re-projeté dans le souvenir d’un cauchemar. L’enfant que j’étais se trouvait au cœur d’une scène guerroyante, où tous s’entretuaient pour mon bien. Je pense que les tableaux de Eugène Delacroix ont marqué mon inconscient.

Je tenais à faire des études d’art, mon père m’a orienté vers le scientifique. Je me suis particulièrement intéressé à la mécanique des forces, au dessin technique et à la résistance des matériaux. Cela me sert pour dialoguer avec la matière. Un cursus lié à l’enseignement m’a amené à m’intéresser au psychisme. Le métier d’éducateur m’a ouvert au zen. Je me suis initié à la méditation dans l’action. La pratique du Niwaki Zendo (taille d’arbres à la japonaise) m’a amené à créer des jardins de paysages dans lesquels je mettais en scène des formes sculpturales.

Interpellé par les feux de forêt, je redonne vie symbolique à des arbres morts. Il en a été dit que c’est de l’art. Qu’on dise cela m’interpelle et me propulse dans un long processus de recherche. Je veux voir avec moi-même si je suis réellement doué de créativité et capable de ramener mes idées dans la matière. Je vis cette période comme un état de vie idéale. M’entendre dire qu’au milieu coule une rivière tranquille est significatif, il est temps d’être au cœur du flux de la vie, d’exprimer ses sensations. Du work-in-progress à ce rêve, je m’incite à investir toujours plus de temps et d’énergie pour réaliser cette vie. Les conclusions que je formule alors résonnent toujours avec beaucoup de justesse :
Qu’est la création ? D’où nous viennent les idées ?
Pouvons-nous écouter la matière ? Guide-elle d’instinct la main ?
Peut-elle inspirer l’esprit ? Peut-on se fier à « ce qui vient » ?

– LA MATIÈRE SCULPTE L’ARTISTE –

Aujourd’hui, je valide un travail que s’il m’a surpris, interpelé. Il ne me plait que s’il me dérange et s’il me donne envie d’en faire d’autres.

Je signe mes peintures et sculptures, avec le monogramme XOTT et l’année de création. Au dos de chaque tableau, un descriptif plus détaillé décrit le titre, le contexte, mon nom, l’année et un tracé distinctif. Celui-ci personnalise le certificat d’authenticité. 

Je date avec précision le jour de l’ébauche et de fin afin qu’il me soit plus aisé de suivre, retracer la progression.

Dans mes débuts, je travaille en arte povera. Je parcours les feux de forêt, sélectionne des troncs d’arbres calcinés. Pour moi, ils sont animés de mouvements singuliers. Ils m’offrent une riche matière première. Mon œil quête de quoi créer des mariages de formes, lesquels me permettent de faire danser les arbres. Différentes versions du Germe de l’idée naissent de ce travail. Je sais alors qu’il me faut savoir peindre, que la peinture me permettra de mieux exprimer le mouvement spontané.

Mon approche en jardin a une telle similitude avec mes installations, que La Maison des Artistes valide l’originalité de ma démarche. Cela me permet de signer plusieurs jardins, œuvres vives de grandes tailles. Je me sers des perspectives des lieux pour entr’apercevoir les mouvements des différentes lignes de force à révéler aux usagers. De nuit, des rochers-lampes surlignent les courbes du paysage. De jour, ils s’y éclipsent ; dans l’obscurité, ces galets flottent au-dessus d’un rayon de lumière.

Lors d’une de mes visites de la Tate Modern Gallery, mon imagination débordante me fait entrapercevoir une variante possible d’une peinture gestuelle. Lancer la peinture parfaitement à la verticale doit permettre de suggérer l’Univers de tous les possibles. C’est la profondeur des dripping des tableaux de Jackson Pollock qui me donne l’idée de verticaliser son geste. Cette juxtaposition de points et les nuances de couleur créent des lueurs et des scintillements. Cela donne à voir la profondeur des myriades célestes des phosphènes. Enfant je me sers de ces visions pour m’endormir et plonger dans l’imaginaire. Adulte, je réalise que tout vient à nous en permanence, les idées, les informations, les futurs qu’on crée en s’adaptant aux présents.

Cette version décalée du dripping m’inspire plusieurs installations peintures. L’usage de pigments phosphorescents révèle, dans l’obscurité, que ce qui vient est infini. C’est ainsi que je remarque que les gens ne voient pas les mêmes choses. Percevoir que les mouvements oculaires produisent des visions décalées m’a incité à trouver des artefacts susceptibles de provoquer des changements de points de vue.
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Un jour, pour peindre autre chose, je provoque la peinture…

Je glisse et tombe dans l’atelier. Un verre de peinture à l’huile bleu diluée à l’essence de térébenthine se brise et m’entaille profondément la main. Durant ces deux longues années de convalescence, je me rends compte que l’impulsion est à l’origine de tout mouvement. Il me faut imaginer différents outils pour dépasser le handicap de cette main insensible et rigide. La prolonger avec une baguette de bambou me fait peindre du bras. Je libère mon geste, il gagne en amplitude. Les douleurs persistantes et les raideurs de cette main rigidifient les muscles de mon bras. Je n’ai de cesse de faire des mouvements pour le dérouler et le soulager. Ces mouvements sont à peindre.

Pour arriver à peindre comme je dessine et montrer que les figures surviennent, j’use d’abord de tracés au feutre, puis d’autres au fusain. Par la suite, je recouvre des peintures réalisées antérieurement. Au couteau je coupe ces huiles fraîches, le fond transparaît, il devient la forme. Après trois toiles réalisées ainsi, j’imagine des yeux dans d’autres gouttes de peinture. J’ose enfin peindre en direct. Les visages et expressions se racontent, je revisite des scènes liées à l’actualité.

La peinture automatique me fait découvrir que depuis mon enfance j’utilise cette forme de dessin. En me fiant à ce qui vient, je ne sais pas encore que j’utilise une version de l’imagination technique prônée par Francis Bacon. Les performances peinture me font progressivement peindre comme je dessine. Dans des mondes aux ambiances agitées, une multitude de formes métaphoriques s’entremêlent entre elles. Je me laisse emporter dans des histoires que je me raconte, elles se révèlent en peignant.

Les titres me viennent alors lors des relectures des tableaux. Aujourd’hui ils s’imposent parfois pendant l’exercice. Je me suis toujours demandé si je devais peindre le fond avant la forme, ou si je devais faire l’inverse. Je fais des vagues de peinture, en faisant passer l’une au dessus de l’autre, j’affirme et affine mon trait. Les titres me viennent alors lors des relectures des tableaux. Aujourd’hui ils s’imposent parfois pendant l’exercice. Je me demande toujours, si je dois peindre le fond avant la forme, ou si je dois faire l’inverse. Je fais des vagues de peinture, j’affirme et affine mon trait.

Au lieu de scroller et de cultiver les réseaux sociaux, je déjoue les rouages des modalités de publication sur Instagram. Je réalise un polyptyque de 14 mètres linéaires. Il correspond à 130 publications. Elles sont toutes en lien avec les suivantes. Je peins alors quelques installations-peinture pouvant changer d’aspect et être modifiées en fonction des espaces d’exposition. Rapidement j’abandonne l’usage des réseaux sociaux, ils nous demandent trop de temps, de disponibilité et d’implication.

Alors que je me concentre sur l’origine du mouvement créatif , je réalise que je peins des paraboles de ce que je découvre. Cela se produit sur la toile et bien souvent je m’étonne de ce qui vient. J’aime prendre des risques. L’accident me permet de trouver les solutions dans l’instant. Ça m’anime, me bouscule, me subjugue.
Dès le début du premier confinement, je me dis que l’humanité était en train de vivre quelque chose d’inédit artistiquement parlant. En me demandant quelles similitudes révéler, j’imagine que nous allons tous entrer en introspection. Pour peindre cette forme de réflexion, je fixe des grands rétroviseurs autour de deux chevalets, ça me permet d’agir alternativement sur les deux personnages. C’est un peu comme s’ils réagissaient en s’observant dans un miroir. Les peintures suivantes parlent des rêves liés aux réductions de nos libertés.

Le décès de proches me fait reconsidérer l’essence de ma démarche. Au lieu de peindre les faits de l’actualité, je choisi de vivre mon deuil. Mes personnages s’envolent. Telles des croix, ils virevoltent comme ces idées qui n’ont de cesse de venir à la conscience. Enfant, ma maman m’a fait découvrir le travail de Henri Matisse. Je réalise à quel point cela inspire cette période où, une forme d’abstraction me propulse entre ciel et terre.
À l’école, l’enfant que j’étais s’évade en occupant la marge de ses cahiers avec des gribouillages, j’y découvre toujours d’inédits personnages. Ils me parlent, se racontent, me disent ce que je vis, ça m’amuse.

Ma volonté est d’arriver à peindre ainsi. Les faits d’actualité m’inspirent longtemps. #MeeToo, les attentats, le covid me donnent beaucoup de choses à dépeindre à ma façon.#MeeToo, les attentats, le covid me donnent beaucoup de choses à dépeindre.
Tout comme, j’aime m’asseoir au milieu d’une rivière pour regarder l’eau passer et venir, J’aime percevoir l’impermanence. Dans le Sahara, le vent met tout en mouvement, j’y découvre un désert de pensées.
Au sortir des confinements, je souhaite m’ouvrir au monde, je pars dans le désert. La méharée se fait au rythme des dromadaires, leurs pas pesant déstructurent les dunes, le vent les restructure. En marchant, j’observe la structure évolutive du sable. Avec les bédouins tout est simple, efficace, sans chichi. Je participe activement et regarde tout de cet autre monde. Je m’éloigne souvent, c’est bon d’errer seul dans l’immensité de cet environnement où je mêle ma trace à celles du vivant.

L’onde se répète à l’infini, les dunes sont de toutes tailles. Le jeu de l’ombre et de la lumière me rappelle celui des vaguelettes. Je retournerai m’abreuver de traversées du désert, je rêve d’y vivre l’orage et la tempête de sable. Dans cet espace hors du temps, le mouvement du vent redessine inlassablement le paysage. Ça m’inspire, j’y découvre un désert de pensées.

À mon retour, je me sens encore plus en marge, toujours plus décalé. Dans les Alpes, le vent du désert me fait un clin d’œil, il colore le ciel, surligne les congères, c’est irréel. Dans ces neiges en forme de dunes, les skis coupent le rose, tracent des vagues courbes blanches, c’est lumineux, sculptural.

Mon tracé originel me subjugue toujours, il passe à l’avant plan, mes personnages sortent du cadre. J’écoute le son du pinceau, il crisse et chante l’union de la peinture avec la toile. J’affine mon trait il suggère la finesse de celui d’un crayon. Il dessine des formes simples, il les relie entre elles, elles se forment et se transforment. Elles ne sont que subjectives, pourtant chacun croit voir diverses choses, nous ne faisons que les imaginer. Nous entrapercevons les formes comme quand elles me surviennent.

Aujourd’hui, je ne valide un travail que si je me suis senti surpris, interpelé. Il ne me plait que s’il me dérange, s’il me donne envie d’en faire d’autres. Je signe mes peintures et sculptures, avec le monogramme XOTT et l’année de création. Au dos de chaque tableau, un descriptif plus détaillé décrit le titre, le contexte, mon nom, l’année et un tracé distinctif. Celui-ci personnalise le certificat d’authenticité. Je date avec précision le jour de l’ébauche et celui de fin afin qu’il me soit plus aisé de suivre, retracer la progression.

Inspirations

Le travail des artistes me construit, me montre des gestes, des attitudes, des formes de pensées.

Il m’initie à différentes techniques liées aux formes pensées. Enfant, j’adore lire des BD et observer la liberté d’expression suggérée par La Linéa de Osvaldo Cavandoli, son personnage vit pleinement l’instant présent en s’y adaptant tout en maugréant. En permanence il se transforme, s’ajuste. A contrario, l’univers des Shadoks de Jacques Rouxel et de J.P. Couturier montrent le manque d’adaptation à un système mondialisé dont les récents fait d’actualité confirment sa vision. Le côté percutant du graphisme du Concombre Masqué de Mandryka m’inspire plusieurs personnages. Les constructions impossibles et infinies de M.CC Escher m’amènent à jouer à voir chaque instant autrement. Je fais des paraboles du présent.

Certaines matières premières de l’arté Povera, dont l’âme des arbres de Guiseppe Penone, l’art in situ et éphémère de A. Goldsworthy, le détournements de la réalité de Joan de Foncuberta, les Noirs Lumière de Pierre Soulages, les Raies de Lumière de Mark Rothko, m’amènent à l’All Over, puis aux profondeurs de l’Action Painting de Jackson Pollock. Les réflexions sur l’Imagination Technique de Francis Bacon, les visions décalées des Vanités de Salvador Dali, les techniques de dessin et de peinture automatique de André Masson, les perspectives animées de Roberto Matta, le bestiaire de Wilfredo Lam, la peinture et le Manifeste de André Breton, l’évolution audacieuse du trait de Pablo Picasso, la préforme d’abstraction menée par Paul Cézanne, la liberté d’expression de Miro, et les personnages animés de Keith Harring, m’ouvrent les yeux sur l’inégalité des libertés que Jean Michel Basquiat dénonce. La mise en anonymat des sujets de Andy Warholl, les murs de portraits de Marlène Dumas et de ceux de Hugo Pratt, la Petite Fille au Ballon de Bansky, l’usage du Tempera à l’œuf de Mark Rothko et de Marc Chagall, les Oiseaux et les Danseurs de Henri Matisse, les vagues de David Hockney, la peinture gestuelle des Bacchus de Cy Twombly, les mouvements contenus de Brice Marden me font entrer en réflexion. Ils m’inspirent et me font cultiver des mouvements. En changeant de perspectives, tous «m’autorisent» à revisiter pendant un temps des tracés originels. J’ose des changements de paramètres, je m’approprie de nouveaux gestes et à travailler la technique, j’ose l’audace d’un geste pour dire et exprimer mes propres visions.
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Dialogue avec Juan Muñoz