Biographie.
Ma vie, un work-in-progress.

La liberté que j’ai alors trouvé m’a permis d’affiner mes sensations, la patience m’a donné la constance, la confiance, la tolérance, l’expression. Je me concentre sur l’essentiel, je peins au quotidien, je suis complètement impliqué.
Je vis dans un petit village du massif central où, je n’ai qu’à travailler un geste que je peaufine.
Avec beaucoup de patience, elle m’a partagé sa passion pour l’art. Nous allions souvent visiter des musées et voir des expositions. Elle me montrait les nuances de couleurs que mon œil ne voit pas bien. En me dévoilant l’importance de certains détails, elle m’a ouvert les yeux et m’a fait découvrir différentes formes de perspectives. En me présentant les choses sous différents points de vue, elle s’intéressait surtout à mon expression.
Je tenais à faire des études d’art, mon père m’a orienté vers le scientifique. Je me suis particulièrement intéressé à la mécanique des forces, au dessin technique et à la résistance des matériaux. Cela me sert pour dialoguer avec la matière. Un cursus lié à l’enseignement m’a amené à m’intéresser au psychisme. Le métier d’éducateur m’a ouvert au zen. Je me suis initié à la méditation dans l’action. La pratique du Niwaki Zendo (taille d’arbres à la japonaise) m’a amené à créer des jardins de paysages dans lesquels je mettais en scène des formes sculpturales.
Interpellé par les feux de forêt, je redonne vie symbolique à des arbres morts. Il en a été dit que c’est de l’art. Qu’on dise cela m’interpelle et me propulse dans un long processus de recherche. Je veux voir avec moi-même si je suis réellement doué de créativité et capable de ramener mes idées dans la matière. Je vis cette période comme un état de vie idéale. M’entendre dire qu’au milieu coule une rivière tranquille est significatif, il est temps d’être au cœur du flux de la vie, d’exprimer ses sensations. Du work-in-progress à ce rêve, je m’incite à investir toujours plus de temps et d’énergie pour réaliser cette vie. Les conclusions que je formule alors résonnent toujours avec beaucoup de justesse :
Pouvons-nous écouter la matière ? Guide-elle d’instinct la main ?
Peut-elle inspirer l’esprit ? Peut-on se fier à « ce qui vient » ?
– LA MATIÈRE SCULPTE L’ARTISTE –
Aujourd’hui, je valide un travail que s’il m’a surpris, interpelé. Il ne me plait que s’il me dérange et s’il me donne envie d’en faire d’autres.
Je signe mes peintures et sculptures, avec le monogramme XOTT et l’année de création. Au dos de chaque tableau, un descriptif plus détaillé décrit le titre, le contexte, mon nom, l’année et un tracé distinctif. Celui-ci personnalise le certificat d’authenticité.
Je date avec précision le jour de l’ébauche et de fin afin qu’il me soit plus aisé de suivre, retracer la progression.
Mon approche en jardin a une telle similitude avec mes installations, que La Maison des Artistes valide l’originalité de ma démarche. Cela me permet de signer plusieurs jardins, œuvres vives de grandes tailles. Je me sers des perspectives des lieux pour entr’apercevoir les mouvements des différentes lignes de force à révéler aux usagers. De nuit, des rochers-lampes surlignent les courbes du paysage. De jour, ils s’y éclipsent ; dans l’obscurité, ces galets flottent au-dessus d’un rayon de lumière.
Lors d’une de mes visites de la Tate Modern Gallery, mon imagination débordante me fait entrapercevoir une variante possible d’une peinture gestuelle. Lancer la peinture parfaitement à la verticale doit permettre de suggérer l’Univers de tous les possibles. C’est la profondeur des dripping des tableaux de Jackson Pollock qui me donne l’idée de verticaliser son geste. Cette juxtaposition de points et les nuances de couleur créent des lueurs et des scintillements. Cela donne à voir la profondeur des myriades célestes des phosphènes. Enfant je me sers de ces visions pour m’endormir et plonger dans l’imaginaire. Adulte, je réalise que tout vient à nous en permanence, les idées, les informations, les futurs qu’on crée en s’adaptant aux présents.
Cette version décalée du dripping m’inspire plusieurs installations peintures. L’usage de pigments phosphorescents révèle, dans l’obscurité, que ce qui vient est infini. C’est ainsi que je remarque que les gens ne voient pas les mêmes choses. Percevoir que les mouvements oculaires produisent des visions décalées m’a incité à trouver des artefacts susceptibles de provoquer des changements de points de vue.

Un jour, pour peindre autre chose, je provoque la peinture…
Je glisse et tombe dans l’atelier. Un verre de peinture à l’huile bleu diluée à l’essence de térébenthine se brise et m’entaille profondément la main. Durant ces deux longues années de convalescence, je me rends compte que l’impulsion est à l’origine de tout mouvement. Il me faut imaginer différents outils pour dépasser le handicap de cette main insensible et rigide. La prolonger avec une baguette de bambou me fait peindre du bras. Je libère mon geste, il gagne en amplitude. Les douleurs persistantes et les raideurs de cette main rigidifient les muscles de mon bras. Je n’ai de cesse de faire des mouvements pour le dérouler et le soulager. Ces mouvements sont à peindre.
La peinture automatique me fait découvrir que depuis mon enfance j’utilise cette forme de dessin. En me fiant à ce qui vient, je ne sais pas encore que j’utilise une version de l’imagination technique prônée par Francis Bacon. Les performances peinture me font progressivement peindre comme je dessine. Dans des mondes aux ambiances agitées, une multitude de formes métaphoriques s’entremêlent entre elles. Je me laisse emporter dans des histoires que je me raconte, elles se révèlent en peignant.
Les titres me viennent alors lors des relectures des tableaux. Aujourd’hui ils s’imposent parfois pendant l’exercice. Je me suis toujours demandé si je devais peindre le fond avant la forme, ou si je devais faire l’inverse. Je fais des vagues de peinture, en faisant passer l’une au dessus de l’autre, j’affirme et affine mon trait. Les titres me viennent alors lors des relectures des tableaux. Aujourd’hui ils s’imposent parfois pendant l’exercice. Je me demande toujours, si je dois peindre le fond avant la forme, ou si je dois faire l’inverse. Je fais des vagues de peinture, j’affirme et affine mon trait.
Au lieu de scroller et de cultiver les réseaux sociaux, je déjoue les rouages des modalités de publication sur Instagram. Je réalise un polyptyque de 14 mètres linéaires. Il correspond à 130 publications. Elles sont toutes en lien avec les suivantes. Je peins alors quelques installations-peinture pouvant changer d’aspect et être modifiées en fonction des espaces d’exposition. Rapidement j’abandonne l’usage des réseaux sociaux, ils nous demandent trop de temps, de disponibilité et d’implication.
Le décès de proches me fait reconsidérer l’essence de ma démarche. Au lieu de peindre les faits de l’actualité, je choisi de vivre mon deuil. Mes personnages s’envolent. Telles des croix, ils virevoltent comme ces idées qui n’ont de cesse de venir à la conscience. Enfant, ma maman m’a fait découvrir le travail de Henri Matisse. Je réalise à quel point cela inspire cette période où, une forme d’abstraction me propulse entre ciel et terre.
Ma volonté est d’arriver à peindre ainsi. Les faits d’actualité m’inspirent longtemps. #MeeToo, les attentats, le covid me donnent beaucoup de choses à dépeindre à ma façon.#MeeToo, les attentats, le covid me donnent beaucoup de choses à dépeindre.
L’onde se répète à l’infini, les dunes sont de toutes tailles. Le jeu de l’ombre et de la lumière me rappelle celui des vaguelettes. Je retournerai m’abreuver de traversées du désert, je rêve d’y vivre l’orage et la tempête de sable. Dans cet espace hors du temps, le mouvement du vent redessine inlassablement le paysage. Ça m’inspire, j’y découvre un désert de pensées.
À mon retour, je me sens encore plus en marge, toujours plus décalé. Dans les Alpes, le vent du désert me fait un clin d’œil, il colore le ciel, surligne les congères, c’est irréel. Dans ces neiges en forme de dunes, les skis coupent le rose, tracent des vagues courbes blanches, c’est lumineux, sculptural.
Mon tracé originel me subjugue toujours, il passe à l’avant plan, mes personnages sortent du cadre. J’écoute le son du pinceau, il crisse et chante l’union de la peinture avec la toile. J’affine mon trait il suggère la finesse de celui d’un crayon. Il dessine des formes simples, il les relie entre elles, elles se forment et se transforment. Elles ne sont que subjectives, pourtant chacun croit voir diverses choses, nous ne faisons que les imaginer. Nous entrapercevons les formes comme quand elles me surviennent.
Aujourd’hui, je ne valide un travail que si je me suis senti surpris, interpelé. Il ne me plait que s’il me dérange, s’il me donne envie d’en faire d’autres. Je signe mes peintures et sculptures, avec le monogramme XOTT et l’année de création. Au dos de chaque tableau, un descriptif plus détaillé décrit le titre, le contexte, mon nom, l’année et un tracé distinctif. Celui-ci personnalise le certificat d’authenticité. Je date avec précision le jour de l’ébauche et celui de fin afin qu’il me soit plus aisé de suivre, retracer la progression.
Inspirations
Il m’initie à différentes techniques liées aux formes pensées. Enfant, j’adore lire des BD et observer la liberté d’expression suggérée par La Linéa de Osvaldo Cavandoli, son personnage vit pleinement l’instant présent en s’y adaptant tout en maugréant. En permanence il se transforme, s’ajuste. A contrario, l’univers des Shadoks de Jacques Rouxel et de J.P. Couturier montrent le manque d’adaptation à un système mondialisé dont les récents fait d’actualité confirment sa vision. Le côté percutant du graphisme du Concombre Masqué de Mandryka m’inspire plusieurs personnages. Les constructions impossibles et infinies de M.CC Escher m’amènent à jouer à voir chaque instant autrement. Je fais des paraboles du présent.
Certaines matières premières de l’arté Povera, dont l’âme des arbres de Guiseppe Penone, l’art in situ et éphémère de A. Goldsworthy, le détournements de la réalité de Joan de Foncuberta, les Noirs Lumière de Pierre Soulages, les Raies de Lumière de Mark Rothko, m’amènent à l’All Over, puis aux profondeurs de l’Action Painting de Jackson Pollock. Les réflexions sur l’Imagination Technique de Francis Bacon, les visions décalées des Vanités de Salvador Dali, les techniques de dessin et de peinture automatique de André Masson, les perspectives animées de Roberto Matta, le bestiaire de Wilfredo Lam, la peinture et le Manifeste de André Breton, l’évolution audacieuse du trait de Pablo Picasso, la préforme d’abstraction menée par Paul Cézanne, la liberté d’expression de Miro, et les personnages animés de Keith Harring, m’ouvrent les yeux sur l’inégalité des libertés que Jean Michel Basquiat dénonce. La mise en anonymat des sujets de Andy Warholl, les murs de portraits de Marlène Dumas et de ceux de Hugo Pratt, la Petite Fille au Ballon de Bansky, l’usage du Tempera à l’œuf de Mark Rothko et de Marc Chagall, les Oiseaux et les Danseurs de Henri Matisse, les vagues de David Hockney, la peinture gestuelle des Bacchus de Cy Twombly, les mouvements contenus de Brice Marden me font entrer en réflexion. Ils m’inspirent et me font cultiver des mouvements. En changeant de perspectives, tous «m’autorisent» à revisiter pendant un temps des tracés originels. J’ose des changements de paramètres, je m’approprie de nouveaux gestes et à travailler la technique, j’ose l’audace d’un geste pour dire et exprimer mes propres visions.

Dialogue avec Juan Muñoz